Les grandes tendances du e-tourisme
Quelle est la principale tendance repérée lors de cette 14e édition ?
Laurent – Pierre Gilliard : Sans doute l’arrivée des sciences cognitives et comportementales dans l’aide à la décision des visiteurs. On parle du nudge (techniques de suggestion indirecte) mais aussi de toute une palette de dispositifs complémentaires. De plus en plus de territoires et d’exploitants font analyser les circulations des visiteurs et observent des points où ces visiteurs se concentrent. On se rend compte qu’avec quelques panneaux bien réalisés, des couleurs employées, on répartit mieux les gens et la circulation devient beaucoup plus fluide. De la même manière, on constate qu’un petit jingle sonore, lorsque le visiteur arrive devant un point d’intérêt, fonctionne bien mieux qu’un panneau au début du circuit de visite qui liste les 10 choses à ne pas rater. Nous sommes à la frontière de l’ergonomie et de l’expérience utilisateur et on repère que c’est autant valable sur place que sur le web.
Quid des acteurs qui portent l’innovation dans la filière ?
Beaucoup de collectivités, d’exploitants et de startups parlaient jusqu’à présent de collaborations mais ça restait très timide. Les choses commencent à se décanter car les institutionnels ont bien compris qu’elles avaient besoin des startups pour innover et les startups qu’elles avaient besoin des territoires pour expérimenter leurs solutions. Les différents participants aux Rencontres se sont d’ailleurs accordés sur la nécessité d’une structuration de ce sujet, avec la possibilité de diffuser facilement auprès des acteurs d’un territoire les résultats d’expérimentations menées, afin d’éviter une multitude de tests chez chacun d’entre eux.
Quelle place jouent les outils numériques dans les stratégies touristiques ?
Déjà, Instagram a complètement replacé Facebook chez les professionnels du tourisme. Le public y est plus jeune et les influenceurs sur Instagram obtiennent de meilleurs taux de transformation car l’image et la vidéo accrochent davantage le futur visiteur que de longs récits. Cette 14e édition a également permis d’observer que le chatbot et le micro-learning sont deux tendances qui s’ancrent fortement. Pas mal de territoires ont déployé des chatbots, assez fonctionnels. Le micro-learning, ce sont des présentations courtes, avec un petit texte et de la photo ou avec une vidéo, envoyées au public et qui permettent à des lieux de se faire découvrir autrement. Le format pour une vidéo va de 2 à 8 minutes grand maximum. L’utilisation peut être triple : soit une incitation à venir découvrir le lieu, soit un complément au parcours de visite, soit une manière d’informer les professionnels du tourisme d’un territoire sur ce qui se passe autour d’eux.
La course à la technologie « flashy » est-elle abandonnée ?
Nous avions 60 exposants cette année et pas un n’est arrivé avec une technologie bluffante. Il y avait beaucoup de choses intéressantes mais pas d’innovation technique ou technologique de rupture : essentiellement du concret répondant à un besoin. On le voit aussi auprès des startups que nous accompagnons avec Unitec et l’Auberge numérique : le Airbnb de tel secteur ou le Uber de tel autre, c’est fini. On voit arriver des projets d’entreprises qui visent un marché bien précis et qui amènent une solution à un besoin identifié. L’approche est plus pragmatique. Les professionnels du tourisme ont aussi en tête le coût très important des nouvelles technologies. Cette 14e édition a justement posé les bases d’un manifeste articulé autour d’idées fortes : adopter la sobriété digitale, aborder une vision sociétale, rendre l’écologie désirable et prioriser le tourisme local.