E-tourisme : destination data
Source : les échos.fr
Le tourisme fait partie des secteurs les plus secoués par le numérique. La réservation de voyage est devenue la première pratique d’achat en ligne des Français devant les vêtements et les billets de spectacles.
Le tourisme est l’un des secteurs les plus secoués par l’irruption numérique. « Fini le catalogue et les prix fixes », insiste Nicolas Boutin, directeur associé au BCG. Avis des internautes, ventes privées, comparateurs de prix, à chacun son trip. La réservation de voyage est la première pratique d’achat en ligne des Français devant les vêtements et les billets de spectacles. Près de 80 % de nos citoyens préparent leurs séjours en ligne contre 40 % en 2006 indique le consultant Guy Raffour créateur du cabinet Raffour Interactif.
Si les frontières géographiques sont toujours là, d’autres tombent. Qui fournit quoi ? On ne sait plus trop. Le BCG isole deux étapes clefs du voyage, mûres pour l’innovation et la « disruption ». La première, fondamentale, c’est bien sûr « l’inspiration », l’idée du départ, celle qui vous donne envie de partir faire un trek au Népal ou visiter Calgary. A cet égard les prospectus disposés sur les présentoirs des offices de tourisme en ont pris un coup. Les idées, on les a moins en poussant la porte d’une agence qu’en musardant sur Internet. « Le bouleversement énorme du secteur est venu de cet accès quasi sans limites à l’information », souligne Guy Raffour. Instantané, il provoque des départs tout aussi spontanés. On voit telle hauteur de neige grâce à la caméra posée sur le sommet de sa station préférée et hop, c’est parti !
Le choc des photos
Environ, un tiers des Français recherchent de l’inspiration sur les réseaux sociaux. A eux, on fait confiance puisque ce sont des « amis ». Comme une bonne photo n’a pas de prix pour rendre compte d’un paysage, d’une maison ou d’un bar à sushis, c’est Instagram qui a le vent en poupe. Et la filiale de Facebook a bien l’intention de pousser son avantage. « Insta » commence à se doter aux Etats-Unis d’un système de réservation et d’un outil de paiement en ligne. Ayant cueilli le voyageur potentiel « à la source », elle entend bien le conserver en s’invitant dans la seconde étape clé de son périple définie par le BCG : la réservation et l’organisation du voyage. Cela s’appelle remonter la chaîne de valeur, cette fameuse chaîne que chacun essaie de tirer vers soi. « Qui va s’approprier le client ? » s’interroge le BCG. Tout le monde sort de son terrain. Si Accor veut s’offrir Air France c’est pour élargir son envergure et aussi pour approfondir la connaissance de ses clients, marquer un point majeur dans la chasse aux « data ». Accor connaît les restaurants que Durand préfère, le type de chambre qu’il choisit, Air France sait s’il est un adepte de Premium Economy ou ses destinations favorites. De tels accords ont l’avantage de casser les silos dans lesquels chacun enferme ses « data », et d’arriver vers la proposition « sans coutures » idéale, de la voiture du taxi du départ aux excursions ciblées en passant par le réglage de la température lorsque Durand ou John Smith arrive dans sa chambre.
Géants technologiques
La vieille économie n’est pas la seule à s’agiter. Booking et Expedia se sont déjà imposées comme les premières plates-formes de réservations du monde. Devenues des « géants technologiques du voyage » selon l’expression de Nicolas Boutin, elles ne cessent d’investir en intelligence artificielle, d’affiner leurs offres, multiplient les partenariats avec compagnies aériennes, hôtels, loueurs de voitures ou croisiéristes pour parvenir au fameux « sans coutures ». Elles en ont les moyens, 29 millions de chambres disponibles pour Booking, 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Booking a repris une start-up israélienne spécialisée dans les chatbots, ces robots capables de dialoguer avec les utilisateurs. Dans les compétences hôtelières, la technologie aurait-elle pris le pas sur l’hospitalité ? Airbnb enrichit aussi son offre vitesse « V ». Son patron parle d’expérience « holistique » du voyage et se voit aussi en guichet unique. Il a ainsi lancé, « Trips », une offre de réservation de restaurants et de visites avec des guides locaux.
Les professionnels ne sont pas les seuls à se démultiplier, le client coiffe aussi deux casquettes. Lorsqu’il consulte les avis de ses pairs il est consommateur de données mais lorsqu’il donne le sien, il devient producteur. Il se transforme en véritable « inspecteur » des ventes selon l’expression de Guy Raffour. Et l’inspecteur fait son rapport sur le Net.
Gare à la piscine qui n’a pas la taille indiquée, à la distance à la mer sous-évaluée. Le client veut du spécifique – village fleuri, site Unesco, séjour équestre -, des produits locaux, marre du « buffet continental ». Internet c’est « open bar ».